La culture des Cactées épiphytes


Par : Henri Kuentz
Publié le 28-11-2018

La culture des Cactées épiphytes découle naturellement des observations concernant leur habitat, très humide et ombragé. En ce qui concerne le support de culture, on privilégiera un substrat très léger, bien aéré, mais qui permettra de garder une humidité légère et permanente.

Le mélange habituellement utilisé pour les Cactées désertiques ne convient pas bien, car il est trop dense et pas assez riche en matière organique. Il est possible de partir d’un « terreau plantes vertes » composé de tourbe blonde fibreuse, d’écorces de pin compostées et de fibres de coco, à hauteur de 70%, auquel on ajoutera de la perlite (20%) et un peu de sable siliceux (10%), surtout pas de matières calcaires. Un mélange de compost maison, de terre de bruyère et de terreau de feuilles peut éventuellement remplacer le terreau pour plantes vertes. Le substrat obtenu ne doit pas être de structure trop fine, ce qui conduirait à une asphyxie des racines, et il doit posséder un pH acide (5,5 à 6). Pour les pots les plus gros, un ajout de pierre ponce de calibre moyen (10/20 mm), ou de billes d’argile expansée, permet de caler les plantes sans alourdir le mélange.

Personnellement, j’ajoute aussi de l’engrais à libération lente lors de la préparation du mélange. Une dose de 3 g par litre est nécessaire et suffisante pour obtenir une croissance soutenue et des plantes bien vertes. Le type d’engrais à sélectionner est le même que pour les autres Cactées, à savoir un engrais dont le NPK est nettement plus faible en azote qu’en potasse. Il est possible aussi de fertiliser régulièrement les plantes avec de l’engrais liquide pour géraniums pendant la période de croissance, à raison de 2 apports par mois dans l’eau d’arrosage.

Les racines des Cactées épiphytes poussent plutôt lentement et ne deviennent jamais très importantes lorsqu’on les cultive dans des pots. On constate que leur développement est plus important lorsqu’une bouture s’échappe des pots et vient se marcotter sur les nappes d’irrigation qu’utilisent les horticulteurs sur leurs tablettes de culture. C’est le même support composé de fibres textiles recyclées qu’on utilise pour les murs végétaux, et qui se rapproche le plus des conditions naturelles. Il est donc tout à fait envisageable de cultiver des Cactées épiphytes sur un support vertical de ce type, à condition de bien maitriser la régularité de l’arrosage et de la nourriture par un système automatisé.

En dehors du marcottage naturel des tiges, qu’il faut surveiller pour éviter de mélanger les variétés, le mode de multiplication utilisé est le bouturage de tiges. On coupe des extrémités de tiges d’une longueur de 10 à 20 cm au printemps ou en automne et on les met à sécher dans un pot vide pendant 2 à 3 semaines à l’ombre, le temps que les coupures cicatrisent, comme on le fait pour tous les cactus.

Pour une culture classique en pots, on démarre les boutures dans des petits pots de 8 cm et on rempote régulièrement en passant à une taille 3 ou 4 cm plus large à chaque rempotage. Mais il est rare qu’on ait besoin d’un pot plus grand que 20 cm de diamètre si l’on a démarré d’une seule bouture. Même si la plante a du mal à se maintenir debout du fait de son poids, il n‘est pas conseillé de « noyer » les racines dans un grand pot, à cause du risque d’asphyxie. Pour résoudre le problème de la stabilité, il est possible de planter dans des pots en terre cuite, plus lourds que les pots en plastique, mais on peut aussi mettre les pots en plastique dans des pots en terre cuite plus gros, sans les rempoter, en les calant avec du gravier. Le tuteurage avec des bambous et du raphia est indispensable si l’on préfère des plantes bien ordonnées et peu encombrantes.

Mais si l’on tient compte de la tendance naturelle des plantes à retomber, il est également possible de les cultiver dans des suspensions de 12 à 16 cm de diamètre, en laissant les branches pousser à leur guise, ce qui demande évidemment plus de place, mais on peut compenser en suspendant les pots sur plusieurs niveaux superposés.

Autre solution, on peut planter les boutures en touffes, en démarrant 3 à 5 boutures dans un pot de 12 cm et en finissant dans un gros pot en terre cuite, plus stable. Il existe des pots dits « à chrysanthèmes » qui conviennent bien car ils sont de forme plus courte que les pots ordinaires et possèdent des gros trous de drainage, mais ils deviennent de plus en plus difficiles à trouver. Des coupes en terre cuite peuvent les remplacer.

Dans leur habitat, il est rare que les températures descendent en dessous de 20°C, même la nuit, mais tout dépend des origines exactes de chaque espèce. Pour certaines, les températures hivernales peuvent parfois descendre brièvement à 10°C la nuit, mais la température diurne est bien supérieure, car le ciel est dégagé. En été, les températures maximum n’excèdent que très rarement les 30°C, car les pluies sont très abondantes et le ciel souvent voilé. L’atmosphère qui règne est étouffante.

Les conditions de culture peuvent donc se résumer ainsi :

En hiver et au printemps, garder les plantes sous abri, avec une bonne luminosité et un chauffage compris entre 10 et 15°C la nuit. Même si de nombreuses Cactées épiphytes peuvent supporter occasionnellement des températures voisines de 5°C, il n’est pas conseillé de les maintenir tout l’hiver aussi bas, au risque de voir les tiges se couvrir de zones nécrosées de couleur orangée ou noire. Dans la journée, une température comprise entre 16 et 22 °C est correcte. Arroser une fois par mois en hiver, 2 fois par mois au printemps. Augmenter les arrosages si les plantes fleurissent.

En été, ne gardez pas les plantes dans une serre où les températures peuvent dépasser les 30°C, cela conduirait à un arrêt de croissance et à leur déshydratation. Sortez les plantes et mettez-les sous un arbre ou sous un filet d’ombrage qui filtrera 70 à 80% du soleil. Arrosez abondamment par temps chaud ou laissez faire la pluie, selon votre climat !

En automne, tout dépend du temps qu’il fait dans votre région. Tant qu’il ne fait pas froid, vous pouvez laisser les plantes à l’extérieur. S’il pleut trop souvent, mettez les plantes éventuellement sous auvent, mais ce genre de plantes adore la pluie et il est rare qu’on ait à les protéger d’un excès d’eau, tant que les pots sont bien drainés et qu’ils ne baignent pas dans des soucoupes pleines d’eau.

Quand les plantes sont sous abri, arrosez-les si possible avec de l’eau de pluie, à défaut avec une eau peu minéralisée, ou avec une eau acidifiée. L’arrosage avec une eau calcaire produit les mêmes effets que l’exposition à une température supérieure à 30°C, à savoir la déshydratation des tiges. Si cela devait arriver, il est possible de récupérer les plantes, car elles restent tout de même des plantes succulentes et ont la capacité de reprendre à partir de faibles réserves. Dépotez les plantes, secouez la vieille terre, rincez les racines à l’eau de pluie. Taillez les racines desséchées et mettez les plantes à reposer 2 ou 3 jours à l’ombre. Ensuite, replantez dans un mélange frais et dans des pots nettoyés du tartre accumulé sur les parois avec du vinaigre d’alcool. Mettez les plantes à l’ombre et arrosez-les régulièrement une fois par semaine jusqu’à la reprise des plantes, qui retrouveront une teinte plus verte et un aspect plus turgescent au bout d’un ou deux mois.

Les Epiphyllum

Les Epiphyllum sont le genre le plus connu parmi les Cactées épiphytes. Mais on trouve dans le commerce sous ce terme des plantes qui appartiennent en fait au genre Schlumbergera (« cactus de Noël », « cactus de Pâques »). Les véritables Epiphyllum sont des plantes plus encombrantes que l’on ne trouve généralement que chez les horticulteurs spécialisés, beaucoup plus rarement dans les jardineries. Leurs tiges plates démunies d’épines peuvent atteindre parfois plusieurs mètres de longueur si on ne les taille pas. Leurs fleurs sont nocturnes, de couleur blanche, et ne durent malheureusement qu’une nuit.

Les espèces les plus répandues sont les suivantes :

  • Epiphyllum oxypetalum (« berceau de Moïse »), aux tiges cylindriques très longues, et aux fleurs odorantes ;
  • Epiphyllum crenatum, d’un port plus compact et aux tiges légèrement crénelées ;
  • Epiphyllum anguliger, aux tiges très crénelées et au port retombant.
Epiphyllum oxypetalum

Epiphyllum oxypetalum

Epiphyllum crenatum

Epiphyllum crenatum

Leurs fleurs s’épanouissent pendant les nuits d’été.

Les Disocactus, Aporocactus, Nopalxochia et Heliocereus

On trouve sous ces termes des plantes aux fleurs diurnes plus colorées, avec des tiges plates, cylindriques ou à trois côtes, souvent munies de toutes petites épines.

Les principales espèces sont :

  • Disocactus flagelliformis (=Aporocactus flagelliformis) ;
  • Disocactus speciosus (= Heliocereus speciosus) ;
  • Disocactus phyllantoides (=Nopalxochia phyllantoides) ;
  • Disocactus ackermannii (=Nopalxochia ackermannii).
Disocactus flagelliformis

Disocactus flagelliformis

Disocactus phyllantoides

Disocactus phyllantoides

Disocactus ackermannii

Disocactus ackermannii

Leurs fleurs s’épanouissent de mai à juillet, selon les espèces, et durent plusieurs jours.

Les Rhipsalis et Lepismium

Ce sont des espèces originaires d’Amérique du Sud, aux tiges plates, cylindriques ou anguleuses, souples et retombantes, dépourvues d’épines, qui produisent de petites fleurs blanches en hiver. Il en existe une trentaine d’espèces, qui conviennent toutes idéalement pour la culture en suspension ou pour les murs végétaux.

Rhipsalis goebeliana

Rhipsalis goebeliana

Les Hylocereus et Selenicereus

Il est abusif de parler de plantes épiphytes pour ce groupe de plantes qui sont des Cactées lianes dont les racines de départ sont terrestres, mais ces plantes produisent également de nombreuses racines adventives qui leur permettent de s’accrocher aux arbres ou aux rochers et donc de rejoindre les Epiphyllum dans leur habitat ! Mais ce sont des espèces plus épineuses, bien qu’il existe quelques espèces aux tiges plates et inermes comme S. anthonyanus (=Cryptocereus anthonyanus) et S. chrysocardium (=Marniera chrysocardium) qu’on peut confondre avec des Epiphyllum. Leurs fleurs sont de très grande taille, nocturnes et de couleur généralement blanche. Elles constituent un fabuleux spectacle pour les soirées d’été !

Les espèces les plus connues sont :

  • Hylocereus undatus, qui donne le « fruit du Dragon » ;
  • Hylocereus costaricensis, qui produit le « fruit du Dragon » rouge ;
  • Selenicereus grandiflorus, au parfum très puissant.
Hylocereus undatus

Hylocereus undatus

Hylocereus polyrhizus

Hylocereus polyrhizus

Selenicereus grandiflorus

Selenicereus grandiflorus

Les Epiphyllum hybrides ou Epicactus

Les premiers horticulteurs spécialisés en cactus eurent très vite eu l’idée d’obtenir des Epiphyllum aux fleurs diurnes et colorées en hybridant E. crenatum, l’espèce la plus compacte, avec les espèces actuellement regroupées dans le genre Disocactus. Les premiers hybrides naquirent dans la deuxième partie du XIXème siècle, et comme il s’agissait de croisements entre plusieurs genres, le nom d’Epiphyllum ne convenait plus. On les désigna alors sous le nom de Phyllocactus ou d’Epiphyllum hybrides.

De croisements en croisements, des milliers de variétés sont nées, d’abord en Allemagne, en France et en Angleterre, plus tard aux USA. La palette de couleurs ou de taille de fleurs est immense et nombreuses sont les variétés aux coloris multiples. La floraison intervient surtout au mois de mai, mais de nouvelles variétés plus précoces et plus compactes ont été obtenues en Allemagne et aux Pays-Bas. Elles fleurissent dès le mois de février. Une association américaine, l’Epiphyllum Society of America, enregistre les variétés, leurs origines et leurs descriptions dans un répertoire qui fait autorité depuis 1940. Plus récemment, le nom d’Epicactus a été proposé pour désigner l’ensemble des hybrides dérivés des Epiphyllum botaniques d’origine.

Il est difficile de désigner les meilleurs d’entre eux, mais parmi ceux que je cultive, un de mes préférés est ‘Paula Knebel’, obtenu par le légendaire Curt Knebel, dans les années 1930. C’est une variété qui n’est pas très encombrante, peu sensible aux maladies, qui fleurit rapidement et abondamment. Epicactus 'Paula Knebel'

Epicactus 'Paula Knebel'

Il est vrai que certaines variétés sont particulièrement longues à fleurir, mais il ne faut pas se décourager et essayer de modifier un peu les conditions de culture pour stimuler l’induction florale. C’est tout le mérite du véritable amateur de cactus de bien vouloir patienter le temps qu’il faut pour obtenir la récompense tant attendue !

Epicactus 'Owen's Pink'

Epicactus 'Owen's Pink'

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