Succulentes, succulentes ... mais qu'est-ce qu'elles ont donc de si savoureux, ces plantes ventripotentes et épineuses qui envahissent ce site ?
Remettons les choses à leur place ! Bien que certaines soient comestibles, le terme de succulentes désigne, en langage botanique, les plantes grasses, c'est à dire toutes les espèces qui possèdent des réserves de suc (= de sève) importantes dans leurs tiges ou dans leurs feuilles. Ces réserves permettent aux succulentes de résister à la sécheresse pendant de nombreux mois, voire des années, sans aucun apport d'eau. La quantité d'eau incluse dans les cellules de stockage peut représenter plus de 90% de la masse totale de la plante.
Quand on tranche une plante succulente dont les réserves sont situées dans la tige, on ne peut pas observer de bois avec des stries concentriques, mais une majorité de cellules turgescentes, réparties tout autour d'un faisceau central de vaisseaux où circule la sève. Les tissus chlorophylliens verts sont situés juste sous l'épiderme.
Coupe d'un cactus
Détail de la coupe
Par ailleurs, contrairement à ce qu'on pense parfois, la présence d'épines ne permet pas de classer une plante parmi les succulentes, car certaines plantes épineuses ne sont pas du tout succulentes, et de nombreuses plantes succulentes n'ont pas d'épines ! Le critère principal pour les spécialistes consiste en la présence dun métabolisme particulier, dit CAM (métabolisme acide des Crassulacées), qui permet à ce type de plantes de fixer le gaz carbonique pendant la nuit, à linverse de ce que font les plantes ordinaires. Dans la journée, les stomates sont fermés, ce qui réduit énormément l'évapotranspiration, et la photosynthèse s'effectue à partir des réserves de carbone constituées pendant la nuit. Ce métabolisme particulièrement économe en eau et en énergie, associé à une énorme capacité de stockage, est le secret de l'incroyable résistance à la sécheresse de ce type de plantes.
Mais il faut bien se rendre compte que, malgré toutes leurs qualités, les plantes succulentes ne peuvent survivre éternellement à une absence de pluie. Ce genre de plantes ne pousse donc pas dans les zones complètement désertiques ! On les rencontre dans les zones subdésertiques, subtropicales ou tempérées, où il pleut généralement plus de 250 mm d'eau par an. L'habitat des cactus et des succulentes se caractérise en général par une saison sèche de longue durée, suivie d'une courte saison humide, période pendant laquelle les plantes poussent, fleurissent et constituent le maximum de réserves d'eau.
Il existe environ 12.000 espèces de plantes succulentes, réparties dans une trentaine de familles botaniques. Les cactus appartiennent exclusivement à la famille botanique des Cactacées, qui est remarquable par le fait que tous ses membres sont des plantes succulentes. Dans les autres familles cohabitent des plantes grasses et des mésophytes (plantes « normales » ).
Cette famille originaire d'Amérique compte environ 2.300 espèces. Elle présente la particularité de posséder des aréoles, sortes de coussinets duveteux sur lesquels sont implantées des épines, parfois des poils et très rarement des feuilles. Les aréoles sont des organes indépendants du corps de la plante, qui peuvent se détacher en laissant une cicatrice nette; elles sont issues de la transformation des bourgeons latéraux. Les aréoles donnent naissance aux ramifications et aux fleurs. Il peut arriver que certaines rares Cactacées soient démunies d'épines, mais les aréoles sont toujours présentes.
Pendant longtemps, le terme d'aiguillon a prévalu dans les livres français pour qualifier les piquants des cactus, mais c'était une erreur. Les aiguillons, au sens botanique strict, sont issus de l'élévation de l'épiderme des tiges, mais ils ne sont pas des organes distincts de l'épiderme, que l'on peut détacher plus ou moins aisément. Les épines sont issues de la transformation des feuilles, d'une partie de celles-ci ou des pédoncules floraux, en pointes dures et acérées. On doit donc bien parler d'épines pour les Cactées, et réserver le terme d'aiguillon pour d'autres plantes comme les rosiers ou les acacias.
Aréoles de Ferocactus munies d'épines
issues de la transformation totale des feuilles
Feuille d'Agave bordée d'épines
issues de la transformation partielle de la feuille
La classification de la famille des Cactacées est plutôt compliquée. De nombreux livres consacrés à cette famille abordent brièvement ce sujet polémique, mais rares sont les auteurs qui aient pu proposer une classification sous forme de monographie, car c'est un travail gigantesque, constamment remis en cause par la découverte de nouvelles espèces et par les progrès de la connaissance de ces plantes. Des travaux récents, basés sur l'analyse de l'ADN, permettent de commencer à bien cerner les espèces et leurs filiations.
« The New Cactus Lexicon », un travail collectif paru en 2006 sous la direction de David Hunt, a compilé l'ensemble des genres et des espèces reconnus à l'époque, illustrés de très belles photos. Il constituait à sa sortie et pendant quelques années le meilleur ouvrage sur le sujet, mais sa lecture restait réservée à un public initié. Compte tenu de l'avancée des travaux d'analyses, une partie de la classification retenue dans ce livre est désormais remise en question.
Joël Lodé a publié en 2015 un ouvrage majeur, « Taxonomie des Cactacées » qui propose une nouvelle classification de la famille.