1907-2007, un siècle d'horticulture
Voici, racontée en quelques pages et grâce à des photos d'époque issues des albums de famille, l'histoire des Etablissements Kuentz de 1907 à nos jours...
Mon grand-père Joseph-Emile Kuentz est né en 1883, à Battenheim en Alsace. En ces temps-là, l'Alsace appartenait à l'Allemagne suite à la défaite de 1870, mais le sentiment d'appartenance à la France restait bien vivant. A peine libéré de l'armée allemande après 2 années de service militaire, mon grand-père franchit la frontière française pour s'installer comme « jardinier-horticulteur » à Belfort en novembre 1907.
Joseph Emile Kuentz
Il cultivait des plantes à fleurs, des légumes, des arbres et arbustes. Mais sa grande spécialité était les arbres fruitiers et leur greffage. Homme aux talents multiples, comme la plupart des gens de la terre l'étaient autrefois, il était capable de fabriquer ses propres meubles, de construire une serre ou un cellier, de fabriquer des petites pergolas en bois, des maquettes de monuments en ciment coloré, des crèches en liège et autres objets décoratifs sortis de son imagination.
Mobilisé dans l'armée française en 1914, sa pratique de l'allemand et un handicap à la hanche lui valurent d'être promu interprète et d'échapper aux combats dans les tranchées. Maintenant ainsi ses connaissances dans la langue de Goethe, il commença à s'intéresser aux Cactées après la guerre en lisant des ouvrages allemands réputés comme la » Monographie des Cactées « de Karl Schumann, un des ouvrages majeurs du début du XXème siècle.
J'ai retrouvé également dans sa bibliothèque des petits livres botaniques écrits en caractères gothiques totalement illisibles pour nos yeux contemporains ! Son ignorance de l'anglais explique que ma bibliothèque ne comporte aucun livre américain ou anglais de la même époque, comme l'édition originale de « The Cactaceae » de Britton et Rose, qui faisait pourtant autorité.
Vue intérieure d'une serre
Arrosage à l'arrosoir et pulvérisations à la seringue
N'ayant pas connu mon grand-père, je n'ai aucune explication sur le fait qu'il se soit intéressé particulièrement aux Cactées, mais j'imagine qu'il avait dû découvrir ces plantes en Allemagne, un pays qui a toujours manifesté un engouement pour ces plantes et fourni de très nombreux botanistes spécialisés dans les cactus.
A l'époque, les établissements d'horticulture n'étaient que rarement spécialisés, mais ils proposaient un peu de toutes les sortes de plantes, et j'imagine que les Cactées et les plantes grasses étaient présentes en petit nombre aux Ets. Kuentz dès le redémarrage de l'après-guerre. Il devait y avoir au minimum les 4 Echinocactus grusonii aujourd'hui centenaires que l'on peut admirer dans nos serres.
L'Etablissement de Belfort comportait 3 serres et des coffres chauffés, plus une zone de pleine terre pour la culture des fleurs coupées.
Un magasin de détail fut ouvert en ville dans les années 20 pour écouler la production de la pépinière. Il était tenu par Marie, la seconde épouse de mon grand-père, puis par ma tante Madeleine.
Vue de l'établissement
Les jardiniers posent devant une rangée de glaïeuls
Ma tante Madeleine devant le magasin de fleurs de Belfort (1934)
Les serres sous la neige
Les compétences de mon grand-père en horticulture et arboriculture, reconnues par ses pairs, lui valurent de recevoir l'insigne de Chevalier du Mérite Agricole en 1932, et d'être nommé Professeur d'Horticulture et d'Arboriculture Honoraire en 1934.
Dans les années 30, les Cactées et les plantes grasses étaient en pleine vogue, grâce à leurs qualités d'endurance et à l'originalité de leurs formes, qui enthousiasmaient déjà l'amateur. Mon grand-père décida alors de se spécialiser dans leur production en 1932. Il était secondé par Robert Kuentz, mon père, qui effectua son apprentissage dans la pépinière familiale. Les hivers étant rudes en Franche Comté, produire des cactus dans ces conditions n'était évidemment pas simple !
En 1933, les Ets. Kuentz participèrent à la première Foire Exposition de Belfort et J.Emile Kuentz reçut le Prix d'Honneur pour sa présentation de Cactées.
Mon grand-père pose devant une rocaille réalisée pour la Foire Exposition de Belfort (1933)
Stand de présentation de la production à la Foire Exposition de Belfort (1933)
Le premier catalogue de 1934
(téléchargeable sur cactuspro.com)
Prenant contact avec les grands noms de la culture des cactus en France, comme Jahandiez à Carqueiranne dans le Var, ou Thiébault au Vésinet près de Paris, la collection s'agrandit et la liste des plantes proposées à la vente était de l'ordre de 150 variétés dans le premier catalogue datant de 1934.
Il s'agissait d'une simple liste imprimée sur 8 pages sous couverture en bristol de couleur. Les prix étaient rajoutés à la main et allaient de 3 à 10 Francs (anciens) pour une « plante courante » et de 12 à 40 francs pour une « forte plante » !
Des graines en sachets « chromolithographe » étaient proposées pour une vingtaine d'espèces, à 2 F le sachet de 20 graines. Il s'agissait de prix de détail pour des envois en France, mais les horticulteurs pouvaient commander en quantité et bénéficier d'une remise sur les prix du catalogue.
Catalogue Jahandiez 1934
(ce catalogue issu de nos archives est téléchargeable sur cactuspro.com)
Catalogue Thiébaut 1934
(ce catalogue issu de nos archives est téléchargeable sur cactuspro.com)